La règlementation UE sur les batteries lithium-ion pour les véhicules électriques

Le tournant majeur de l’industrie automobile vers la conversion du parc actuel au tout électrique amène la question du traitement des batteries lithium-ion (BLI-VE) en fin de vie.

En moins de 10 ans, le nombre d’immatriculations de véhicules électriques est passé de moins de 60 000 par an à plus de 2,4 millions.

Cette multiplication par 40 du nombre de véhicules électriques en circulation a contraint l’Europe et les états membres à adapter leurs règlementation afin de s’adapter aux enjeux d’optimisation des ressources et de diminution de la production de déchets.

Evolutions réglementaires

A cette fin les 5 dernières années ont vu une évolution réglementaire importante avec quasiment un texte européen majeur par an :

AnnéeType de texteObjet
2018Directive 2018/849Modification des directives précédentes qui mentionne pour la première fois le développement
technologique des batteries VE.
2019Règlement (UE) 2019/1020Modification des
directives et des règlements
antérieurs pour une surveillance du marché et de la conformité
des produits.
2020Proposition de la Commission
européenne
Modernisation de la législation de l’UE sur
les batteries, en abordant les
questions de durabilité des points de vue sociaux, économiques et
environnementaux.
2023Règlement (UE) 2023/1542Cadre détaillé pour la gestion des BLI, axé
sur le cycle de vie, la gestion de la fin de vie. Cible de manière spécifique et significative les BLI
VE.
Derniers textes sur les BLI-VE

Parmi ces différents textes, le règlement (UE) 2023/1542 constitue une réelle évolution, par son caractère contraignant d’une part – il ne s’agit plus d’une directive – et d’autre par grâce à la distinction spécifique opérée entre les BLI-VE et les autres batteries, et aux précisions données sur leur fin de vie.

Ainsi il précise les différences de traitement entre les BLI endommagées transportées vers le recyclage comme « déchets », et celles qui ne sont pas endommagées et qui conviennent aux applications de seconde vie en tant que « produits ».
Les cycles de vie des batteries bien identifiés, seconde vie et fin de vie, ouvrent la voie vers une économie circulaire de la BLI-VE.

Acteurs opérationnels du cycle de vie des BLI

On peut distinguer deux typologies d’acteurs opérationnels (par opposition aux acteurs institutionnels) dans le cycle de vie des BLI !

  • Les opérateurs économiques – ils mettent à disposition les BLI sur le marché
  • Les opérateurs de traitement des déchets – ils participent au processus de fin de vie des BLI

Les opérateurs économiques

Parmi ces opérateurs se trouvent notamment :

  • Les fabricants et producteurs : responsable de la conception et de l’assemblage des BLI et les introduisent sur le marché.
  • Les fabricants d’équipements d’origine (FEO) : ils conçoivent et produisent les cellules et blocs BLI.
  • Les distributeurs : intermédiaires qui mettent les batteries sur le marché des détaillants ou utilisateurs finaux.
  • Les entreprises de seconde transformation : elles restaurent les batteries usagées à 95% de leur capacité d’origine en recombinant les cellules et composants.
  • Les utilisateurs finaux.

Les opérateurs de traitement de déchets

Lesquels se scindent en trois principaux acteurs ;

  • Les collecteurs : collectent les batteries usagées dans divers points de collecte et proposent des services d’essai, de tri et de stockage, ou de leur transport vers des installations spécialisées.
  • Les recycleurs : traitent les déchets de batteries afin de récupérer les ressources et matériaux précieux pour les réutiliser.
  • Les opérateurs de seconde vie : participent à la réutilisation et à la réaffectation des batteries usagées ou en fin de vie des véhicules électriques hors d’usage.

Nouvelles obligations des acteurs de la filière BLI-VE

Le nouveau règlement de l’UE sur les batteries et les déchets de batteries
(règlement (UE) 2023/1542) définit des rôles, responsabilités et obligations des fabricants, recycleurs et acteurs intermédiaires de la filière. Voici quelques éléments sur les obligations des fabricants et des recycleurs :

Obligations des fabricants

Les fabricants sont déjà soumis à des exigences de type « responsabilité élargie des producteurs » mais de nouvelles responsabilités leur incombent.

  • Déclaration de l’empreinte carbone : les fabricants doivent fournir une déclaration détaillée de l’empreinte carbone pour chaque modèle de batterie sorti de leurs lignes de production.
    Ce rapport doit comprendre des données sur l’empreinte carbone de la batterie tout au long de sa durée de vie, mesurées selon une méthodologie explicitée dans le texte.
  • Classe de performance de l’empreinte carbone : les BLI doivent comporter une étiquette indiquant leur classe de performance de l’empreinte carbone. Cette classification est dérivée de la valeur globale de l’empreinte carbone de la batterie.
    Cette disposition sera applicable à compter d’août 2026, et devenant obligatoire d’ici août 2028
  • Contenu en matières recyclées : d’ici août 2031, les fabricants doivent s’assurer que leurs batteries contiennent un pourcentage minimal spécifié de matières recyclées comme le cobalt 16 %, le plomb 85 %, le lithium 6 %, et le nickel 6 %.
  • Performance et durabilité électrochimiques : les BLI doivent répondre aux normes de performance et de durabilité électrochimiques établies, en vérifiant la conformité avec des valeurs minimales pour des paramètres cruciaux qui incluent, sans s’y limiter, la capacité, la densité énergétique et la durée de vie de la batterie en termes de nombre de cycles de charge et de décharge.
  • Etiquetage et le marquage : chaque BLI doit être accompagné d’une étiquette détaillant les informations essentielles telles que les caractéristiques générales, la capacité et un symbole de collecte séparé.
    Un QR code unique doit être apposé sur la batterie, renvoyant à un ensemble d’informations, y compris le passeport de la batterie et les détails concernant la conformité de la batterie et la gestion de la fin de vie
  • Passeport de la batterie : Pour chaque BLI, il devra contenir les informations détaillées sur le modèle de batte rie et les spécificités de la batterie individuelle.

L’aspect conformité aux exigences autorise l’accès aux marchés au sein de l’UE, avec des risques de sanctions pour non-conformité, de rappels de produits et d’exclusion de marché.

Obligation des recycleurs

L’industrie du recyclage des BLI doit faire face à de nombreuses difficultés. La composition complexe des BLI-VE complique la séparation et le recyclage efficaces. Le coût élevé du recyclage, par rapport à la production de matières premières, expose les recycleurs à une équation économique difficile.

A ce jour, les BLI sont principalement recyclées soit par voie pyrométallurgique (procédé à haute température) soit par voie hydrométallurgie (procédé à basse température).
Quoi qu’efficace et capable de récupérer divers métaux, la pyrométallurgie est énergivore et source d’émissions dangereuses. Les procédés hydrométallurgiques permettent de produire de sels métalliques ou des métaux de haute pureté en consommant moins d’énergie que la pyrométallurgie, mais impliquent l’utilisation de produits chimiques toxiques et dangereux.

Les recycleurs sont tenus de respecter les prescriptions suivantes :

  • D’ici 2025, le règlement prévoit un taux de recyclage de 65 % du poids moyen des BLI-VE introduits sur le marché de l’UE. Celui-ci passera à 70 % d’ici 2030.
  • Des rapports détaillés sur l’efficacité du recyclage, la récupération des matériaux et la manutention des fractions de production sont également exigés pour assurer la transparence et la responsabilisation.

L’aube d’une économie circulaire des BLI-VE ?

Avec le règlement (UE) 2023/1542 et ses derniers aménagements, l’Union européenne se dote d’un outil qui permet d’envisager une gestion plus durable des batteries VE. Il s’agit de changer radicalement le modèle de production et d’élimination des BLI-VE en utilisant des leviers tels que l’extension de la durée de vie des produits, l’efficacité des matériaux, la consommation durable, la gestion des déchets et la conception verte.

Pourtant si l’Europe appelle de ses vœux la mutation des processus linéaires en processus « circulaires », le sujet BLI-VE reste très épineux. Pour être traité il nécessite une transformation en profondeur de la filière depuis les FEO jusqu’aux utilisateurs finaux en passant par les constructeurs automobiles. Pour voir le jour et rester viable, cette transformation ne peut faire l’impasse sur les impératifs de sécurité en termes de risques industriels et d’économie.