Evolution des VTR et VGAI du benzène

L’actualisation des connaissances sur la toxicité du benzène a conduit l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) à réactualiser les valeurs toxicologiques de références (VTR) et les valeurs guides de qualité d’air intérieur (VGAI) pour le benzène.

Les VTR

Les VTR sont des indices toxicologiques qui permettent de qualifier ou de quantifier un risque pour la santé humaine. Les VTR permettent d’évaluer des effets sanitaires éventuels d’une exposition à des substances. Elles peuvent être utilisées dans le cadre des évaluations quantitatives de risques sanitaires (EQRS) réalisée, à l’échelle populationnelle, dans un contexte d’exposition donné et aider ainsi au choix de mesures de gestion des risques. Elles peuvent être également utilisées pour l’élaboration de valeurs guides telles que les valeurs guides de l’air intérieur (VGAI).

Les VTR sont spécifiques d’une durée d’exposition (court, moyen ou long terme) et d’une voie d’exposition (orale ou respiratoire).

La construction des VTR diffère en fonction des connaissances ou des hypothèses formulées sur les mécanismes d’action des substances.

Le Benzène

Le benzène, comme le toluène et les xylènes sont principalement extraits des essences issues du vapocraquage des hydrocarbures ou du reformage catalytique, après traitement de ces essences pour la pétrochimie dans le but d’isoler les différents produits.

A température ambiante, le benzène est un liquide incolore, à forte odeur aromatique, moins dense que l’eau dans laquelle il est pratiquement insoluble (0,180 g pour 100 g à 25 °C). Il est miscible à la plupart des solvants organiques et forme des mélanges azéotropiques avec l’eau, certains alcools et hydrocarbures.

Le benzène est enregistré dans le règlement (CE) n°1907/2006 (REACh). Cette substance est produite ou importée dans l’Union Européenne entre 1 million et 10 millions de tonnes par an.
Le benzène est inscrit à l’annexe XVII du règlement REACH relative aux « restrictions applicables à la fabrication, à la mise sur le marché et à l’utilisation de certaines substances
dangereuses et de certains mélanges et articles dangereux »

Identification de la substance - benzène.
Identification de la substance – benzène
Classification CLP du benzène
Classification CLP du Benzène

L‘exposition professionnelle au benzène est possible dans (INRS 2019) :

  • l’industrie pétrochimique ;
  • l’industrie chimique comme intermédiaire de synthèse (ex : synthèse du phénol, du styrène, du phénol, de l’aniline, du nitrobenzène, du cyclohexane) et pour des produits de base pour la fabrication de matières plastiques, colorants, textiles, colles
    détergents…
  • l’industrie de la parfumerie en tant que solvant d’extraction ;
  • l’industrie électronique, comme dégraissant des composants ;
  • les laboratoires de chimie en synthèse (recherche).
    Le benzène est présent dans les carburants (en particulier dans l’essence sans plomb qui peut en renfermer jusqu’à 1% en volume, dans l’Union européenne (INRS 2019).

Risques d’incendie et d’explosion du benzène

Le benzène est très volatil, très inflammable et ses vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l’air. Il peut s’enflammer au contact d’une flamme ou sous l’effet de la chaleur.
De plus, il peut réagir violemment, par réactions exothermiques, avec des oxydants puissants et certains acides forts tels que l’acide nitrique et les mélanges sulfonitrique conduisant à la formation de nitrobenzènes explosifs, ou l’acide sulfurique concentré donnant de l’acide benzènesulfonique.

  • Point d’éclair : – 11,1 °C en coupelle fermée.
  • Domaine d’explosivité des vapeurs dans l’air : 1,2 à 8,0 % en volume.
  • Température d’auto-ignition : 555 °C.
    En cas d’incendie, il convient d’utiliser des extincteurs à CO 2, à mousses ou à poudres chimiques, puis de refroidir les fûts exposés ou ayant été exposés au feu à l’aide d’eau pulvérisée. Les intervenants, qualifiés, seront équipés d’appareils de protection
    respiratoire isolants autonomes et de combinaisons de protection spéciales

Précaution de manipulation et de stockage du benzène

La vente et l’emploi du benzène sont strictement réglementés. Outre les précautions liées, à la nature toxique et inflammable du benzène, il faut tenir compte, lors de ses manipulations, de son aptitude à cristalliser à une température relativement élevée
(5,5 °C). De ce fait, les canalisations, les vannes, les cuves de stockage doivent être munies d’un dispositif de chauffage approprié.
L’utilisation du benzène ne doit s’effectuer qu’en appareil clos en marche normale.
Le benzène et les préparations en renfermant plus de 0,1 % en poids ne doivent pas être mis à la disposition du public (usage contrôlé réservé aux professionnels).
Les carburants échappent à ces limitations ; toutefois la teneur autorisée en benzène dans l’essence sans plomb a été réduite de 5 à 1 % en volume en 2000.

Le benzène doit être stocké dans des fûts en acier ou dans des récipients en verre pour le stockage de petites quantités. Tout récipient doit être fermé et étiqueté convenablement.
Le benzène doit être stocké dans des locaux spéciaux, frais, bien ventilés, de préférence à l’extérieur et équipés d’installations électriques appropriées. Le benzène doit également être stocké à l’abri des rayonnements solaires et à l’écart des produits oxydants.
Il faut également veiller à mettre le benzène à l’écart de toute source de chaleur ou d’ignition (flammes, étincelles…) et prendre des dispositions pour éviter l’accumulation d’électricité statique.
Des équipements de protection individuelle et des appareils de protection respiratoire pour intervention d’urgence seront placés à proximité immédiate de ces locaux.

Principales utilisation du benzène

Le benzène est utilisé pour produire, en pourcentage du tonnage consommé :

  • de l’éthylbenzène (46 %) servant à la synthèse du styrène, monomère destiné à la fabrication de matières plastiques et d’élastomères ;
  • du cumène (24 %) destiné à la fabrication du phénol servant à produire des résines phénoliques et du nylon ;
  • du nitrobenzène (12 %) servant à fabriquer l’aniline ;
  • du cyclohexane (10 %) destiné à la fabrication de résines ;
  • d’autres composés organiques (8 %) dont de l’acétone, employée comme solvant ou utilisée dans l’industrie pharmaceutique, des alkylbenzènes, de l’anhydride maléique, des chlorobenzènes, etc.
    Comme sous-produit du pétrole, il entre naturellement dans la composition de l’essence automobile. Son rôle est particulièrement important dans l’essence sans plomb à cause de ses caractéristiques « antidétonation ».
    Le benzène est également utilisé dans les laboratoires d’analyse et de recherche.

Economie du benzène

À l’échelle mondiale, la consommation de benzène est dominée par la production de ces deux dérivés majeurs : l’éthylbenzène et le cumène. En 2021, ces deux marchés représentaient près de 70 % de la consommation globale de benzène.
En 2023, l’Asie du Nord-Est (principalement la Chine) représentait près de la moitié de la production mondiale de benzène. La consommation globale de benzène devrait croître
à un taux annuel moyen de 2 à 3 % en 2023-2027.

Répartition de la consommation mondiale du benzène en 2021
Répartition de la consommation mondiale du benzène en 2021

Le benzène sous-tend plusieurs chaînes de valeur chimiques (par exemple, les styréniques, les nylons, les polycarbonates, les résines de phénol-formaldéhyde et les polyuréthanes). Par conséquent, sa consommation est largement liée à l’économie générale.
La croissance de la consommation de benzène est de plus en plus liée à la Chine, où l’amélioration du niveau de vie favorise l’utilisation accrue d’une grande variété de polymères et de produits chimiques dans l’industrie de la construction, pour les applications automobiles ou pour la production de biens durables et de
consommables divers.

Cancérogénicité du benzène

Le benzène est classé comme agent cancérogène pour l’Homme (groupe 1) par le CIRC
depuis 1979, sur la base d’indications suffisantes chez l’Homme et l’animal selon lesquelles il provoque des leucémies. Cette évaluation a été confirmée spécifiquement pour la LAM et les leucémies aiguës non lymphoïdes (LANL) chez l’adulte dans les monographies du CIRC
publiées en 2012 puis en 2018. En 2012, le CIRC a également conclu qu’il existait des
associations positives avec la leucémie lymphoïde aiguë (LLA), la leucémie lymphoïde
chronique (LLC), le myélome multiple et les lymphomes non hodgkiniens (LHN). En plus de
ces localisations de cancers, le CIRC a conclu en 2018 qu’il existait des associations positives avec la leucémie myéloïde chronique (LMC), le cancer du poumon et la LAM chez l’enfant.

Proposition de VTR de l’ANSES

Trois VTR par voie respiratoire, court, moyen et long terme à seuil sont proposées par l’ANSES dans son rapport Valeurs toxicologiques de référence, Le benzène, juill. 2024 :

Pour mémoire, le court terme correspond à une exposition < 15 jours, le moyen terme entre 15 et 364 jours et le long terme >= 365 jours.

VTR court, moyen, long terme à seuil par voie respiratoire pour le 
benzène
VTR court, moyen, long terme à seuil par voie respiratoire pour le
benzène

Une VTR long terme sans seuil par voie respiratoire est proposée par l’ANSES :

VTR long terme sans seuil par voie respiratoire pour le benzène
VTR long terme sans seuil par voie respiratoire pour le benzène

Qualité de l’air intérieur – Contexte

En France, comme pour l’air extérieur, la qualité de l’air à l’intérieur des bâtiments constitue une préoccupation de santé publique, en particulier puisque chaque individu passe en moyenne, en climat tempéré, 85 % de son temps dans des environnements clos dont une majorité de ce temps dans l’habitat.

L’environnement intérieur offre une grande diversité de situations de pollutions par de nombreux agents physiques et contaminants chimiques ou microbiologiques, liés notamment à la nature des matériaux de construction, aux équipements, à l’environnement extérieur immédiat et aux activités des occupants. Or, les pollutions peuvent avoir des conséquences importantes sur l’état de santé des individus, même si elles ne sont pas toutes quantifiables avec précision et s’il est souvent difficile de s’accorder sur la part des déterminants génétiques, sociaux et environnementaux dans l’apparition et le développement des pathologies observées : irritations, maladies allergiques, pathologies dermatologiques d’origine immunitaire, affections broncho-pulmonaires, intoxications aiguës, cancers, syndrome des bâtiments malsains (SBM ou sick building syndrome (SBS)), etc.

A l’intérieur des locaux, la fumée de tabac et plus généralement tous les processus de
combustion de matières organiques sont des sources connues d’émission de benzène. Les
matériaux de construction et d’ameublement, ainsi que les produits de bricolage et d’entretien sont également des sources potentielles de benzène (Anses 2008). D’après Santé Canada (2023), les principaux facteurs associés aux concentrations de benzène dans les logements sont la présence d’un garage attenant, l’entreposage de peintures, de solvants et d’essence dans le garage ou dans la maison, le fait de fumer à l’intérieur, l’infiltration d’air extérieur et la ventilation.

VGAI du Benzène

Parallèlement à la mise à jour des VTR du benzène par inhalation, l’ANSES a publié cet été le nouveau guide Valeurs guides de qualité d’air intérieur, Le benzène, juill. 2024.

Ce guide propose des valeurs guides de qualité d’air intérieur (VGAI), fondées sur des critères sanitaires. Une VGAI est définie comme une valeur numérique associée à un temps d’exposition correspondant à une concentration dans l’air d’un agent chimique en dessous de laquelle aucun effet sanitaire ou, dans le cas des composés odorants, aucune nuisance ayant un retentissement sur la santé ne sont, en principe, attendus pour la population générale.

VGAI proposées pour le benzène par l’Anses (2024)
VGAI proposées pour le benzène par l’Anses (2024)

Conclusion

L’utilisation très large de cette substance et de ses dérivés dans les processus industriels majeurs pour l’économie mondiale ne peut pas continuer sans une conscience des risques toxicologiques aigües, sub-chroniques et chroniques, et de ses effets hématologiques, immunologiques, respiratoires, génotoxiques et reprotoxiques, en plus de sa cancerogénicité.

Avec l’actualisation des VTR et des VGAI du benzène, l’ANSES joue pleinement son rôle de prévention et protection sanitaire dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’alimentation.